Arrêtez de penser que vous êtes nul, vous y arriverez!

Vous l’avez compris, le moteur des troubles du comportement alimentaire est le fait que vous vous dévalorisez à vos propres yeux. D’où un contrôle permanent de votre poids, une préoccupation constante de votre corps, ce qui vous plonge immanquablement dans l’obsession de la nourriture et un monologue désastreux et auto-destructif. Vous avez constamment des pensées négatives telles que : »Je suis nul, j’ai l’air idiot, je n’y arriverai jamais. Tous mes efforts ne serviront à rien, comment ai-je pu en arriver là? ». Il en résulte découragement, impuissance, tristesse, rage, colère, désespoir, culpabilité et même honte. Ces émotions favorisent compulsions alimentaires et grignotages.

L’environnement et la famille peuvent accentuer de telles pensées négatives. Si, dans votre enfance, vous avez entendu votre père vous dire que vous étiez un bon à rien, un raté ou un incapable, il est certain que vous débuterez mal dans la vie. J’ai en mémoire deux adolescentes qui souffraient de troubles importants du comportement alimentaire. Leur père critiquait sans cesse leur physique. « Arrête de bouffer, tu t’es regardée dans la glace? Tu as vu tes grosses fesses? » Des critiques de ce genre sont destructrices.

C’est typiquement ce genre d’attitude désastreuse qui incite les adolescentes à entreprendre des régimes sévères. Ainsi démarre l’escalade du poids par le phénomène du yo-yo. Je parle souvent au féminin, car ce genre d’histoire est malheureusement beaucoup plus fréquent chez les femmes. J’ai souvent remarqué que ces patientes appartenaient plutôt au groupe des facilitants. Une telle personnalité nourrira plus de pensées négatives. Bien sûr, cela ne veut pas dire que ce type de pensée ne germe que chez les facilitants.

J’ai simplifié six situations pouvant induire de telles pensées. Si vous vous retrouvez dans l’un de ces exemples, travaillez-le tout particulièrement. Il vous aidera à acquérir plus de confiance en vous et à mieux traiter vos troubles du comportement alimentaire.

La barre trop haut

Votre éducation vous a incité à être performant dans tous les domaines. « Tu peux faire mieux, tu dois être le meilleur, le plus fort, le plus beau. » La perfection débouche sur l’obsession , mais finit toujours par frustrer. Si vous placez la barre trop haut, vous serez souvent déçu et vous allez forcément développer des pensées négatives: »Je n’y arriverai jamais, je suis nul! »

Vous voulez maigrir très vite et atteindre un poids inférieur à celui de vos vingt ans. La chance d’y arriver et de conserver ce poids est si faible et illusoire que vous serez toujours insatisfait

Si vous décidiez de perdre 50 kg, je vous conseillerais d’en perdre une dizaine, 20 au maximum, puis de faire une pause pour vous donner le temps de vous habituer à votre nouvelle silhouette. Si vous vous fixez pour objectif une perte de poids trop rapide, vous allez forcément être déçu. Je préconise toujours une perte de 1 à 4 kg par mois; ainsi, vous ne souffrirez pas de la faim et maintiendrez le nouveau poids à long terme. Essayez de vous raisonner, de relativiser, d’être moins exigeant dans vos attentes. Placez la barre moins haut, vous sauterez mieux!

Le tout ou rien (le raisonnement dichotomique)

Vous, promouvants, voyez tout en noir ou en blanc, mais jamais en gris. Vous suivez un régime à fond ou pas du tout. Si vous commencez à « tricher » un peu au cours d’un repas, vous cessez le régime pour toute la soirée. Cette attitude impulsive est dangereuse, vous risquez d’arrêter votre régime purement et simplement! Vous devez pouvoir vous accorder un petit écart avec plaisir et en profiter. Vous ne devez pas vous culpabiliser, c’est normal, cela  fait partie de la vie de tous les jours. Vous commencez des régimes drastiques et très restrictifs parce que vous croyez que les autres ne marchent pas. Voyez gris plutôt  que noir ou blanc, vous ne vous en porterez que mieux. Soyez moins passionné et vous souffrirez moins. La sagesse, selon les taoïstes, c’est la tiédeur. Le raisonnement vaut aussi pour votre poids. Soyez patient, maigrissez tranquillement, mais sûrement.

Amplification du négatif

Vous évaluez ce que vous faites et ce que l’on vous dit en faisant des erreurs importantes. Soit vous exagérez une petite faiblesse et vous en faites une montagne, soit vous minimisez vos mérites et vos actions et vous vous dévalorisez. « J’ai pris un kilo et je ne peux plus rien mettre! » Ce sont certainement les 5 ou 10 kg qui se sont accumulés pendant les 6 derniers mois qui sont responsables de vos difficultés à vous habiller.

« J’ai grossi d’un kilo, tout est fichu! » Vous exagérez l’importance de ce kilo en oubliant les 10 perdus et l’effort que vous avez fourni les 5 derniers mois. Vous ne pouvez pas tout abandonner pour ce petit kilo. Vous devez apprendre à vous en accommoder pour mieux reprendre votre régime. Oubliez votre fâcheuse tendance à ne retenir que les détails négatifs plutôt que les détails positifs. Comptabilisez les points positifs de votre régime et minimisez les contraintes négatives. Arrêtez de vous énerver pour un rien, calmer-vous, les résultats du régime suivront. Sénèque disait que si le moindre petit bruit vous perturbe, c’est qu’il y a beaucoup de bruit en vous. Relativisez, soyez plus calme, votre vie n’en sera que plus facile… et le régime aussi.

Conclusion rapide sans preuves

L’inférence arbitraire est l’erreur logique la plus fréquente; elle consiste à tirer des conclusions catégoriques sans preuves manifestes. Par exemple: « Deux carrés de chocolat me font grossir. » Nous avons déjà vu ensemble que pour prendre 1 kg de graisse il faut absorber 8000 calories! Deux carrés de chocolat ne représentent même pas 50 calories!

En règle générale, vous tirez des conclusions trop hâtives sans prendre en compte le raisonnement de votre interlocuteur. Vous avez tendance à généraliser de manière abusive. Essayez d’écouter et de raisonner avec des informations objectives.

Promouvants et facilitants, vous prenez des décisions de manière intuitive. Vous vous laissez guider par votre feeling. Cette façon de prendre des décisions peut vous induire en erreur si vous tirez des conclusions trop rapidement. Les contrôlants et les analysants commettent moins souvent ce genre d’erreurs, car ils raisonnent objectivement, sur des faits tangibles et explicables.

La généralisation

Vous avez tendance à tirer une conclusion après un seul incident. Par exemple: « J’ai grossi d’un kilo, je ne vais plus pouvoir m’arrêter. » Nous retrouvons ici la perte de contrôle typique des sujets souffrant de troubles du comportement alimentaire. Ce n’est pas parce que vous faites une entorse à votre régime que vous devez tout arrêter et déraper! Ce n’est pas une petite erreur qui doit tout interrompre.l Vous avez tendance, dans le même ordre de raisonnement, à vous focaliser sur un détail en ignorant le contexte: « J’ai grossi d’un kilo, toute la thérapie ne marche pas. » C’est le meilleur moyen de vous décourager et de… décourager vos thérapeutes. Vous pouvez prendre 1 kg en faisant de la rétention d’eau, pendant vos menstruations ou les fêtes de fin d’année. En trouvant l’explication, vous vous déculpabiliserez.

La personnalisation

Vous vous sentez responsable des événements qui vous sont extérieurs. Vous êtes sensibilisé à tout ce qui vous entoure. Vous, facilitant, vous impliquez dans les problèmes familiaux et ceux de vos amis. Vous prenez à coeur la santé de vos parents, de votre conjoint, et vous vous oubliez. Exemple flagrant de cette tendance à ramener tous les événements à soi: « J’ai grossi d’un kilo et tout le monde le voit. » Comme si 1 kg de plus se voyait!

J’espère que vous vous êtes reconnu parmi les six exemples du dysfonctionnement que les professionnels psychiatres et psychologues appellent « distorsions cognitives ». Face à un événement quelconque, vous avez habituellement la faculté de vous accommoder et d’assimiler. Mais pour un même événement, selon que vous avez vécu une éducation difficile, traversé une existence douloureuse, eu un conjoint violent, un père alcoolique, une mère insupportable, à cause aussi d’un milieu pauvre, d’une maladie ou d’un handicap, vous allez réagir différemment. Vous allez percevoir cet événement avec distorsion. Vous allez maximaliser, personnaliser, exagérer, transformer, voir tout en noir ou tout en blanc. Cette distorsion va vous engager dans un monologue intérieur destructeur appelé « pensées automatiques négatives ».

 » Je suis nul, je ne veaux rien, je suis moche, etc. » CE sont ces pensées négatives qui sont responsables de la mauvaise estime dans laquelle vous vous tenez vous-même et qui entraînent les compulsions alimentaires. Pour diminuer ces crises, vous devez connaître vos modes de raisonnement et savoir quelles sont vos distorsions.

Relisez maintenant les cas ci-dessus et choisissez la distorsion la plus courante chez vous en vous rappelant les moments où vous avez « distordu » récemment. Pensez-y à chaque crise de boulimie et à chaque compulsion. « Ai-je exagéré, minimisé, maximalisé, personnalisé? Pourquoi? Comment pourrais-je faire la prochaine fois? Quelles stratégies pourrais-je appliquer en remplacement? Comment puis-je m’accommoder, relativiser? Est-ce que j’exagère vraiment? * Vous pouvez en discuter avec vos proches,  vous serez surpris des réponses! Beaucoup de personnes autour de vous doivent subir vos exagérations, vos pensées négatives. Consultez un psychologue ou un psychiatre, il vous aidera. Non seulement vous perdrez du poids, mais vous le stabiliserez. Vous vous sentirez beaucoup mieux dans votre tête et dans votre peau. Vous éviterez ainsi de transmettre à vos enfants vos distorsions et raisonnements exagérés. Vous éviterez peut-être  un divorce et ne transmettrez pas vos troubles du comportement alimentaire à vos enfants.